OPM – Objet Poétiquement Modifié I

OPMObjet Poétiquement Modifié

Dans l’esprit des livres-tunnel du XIXe siècle qui mettaient en scènes les jardins et composaient de véritables architectures végétales, les livres-soufflets d’Agnès Frégé évoquent les structures intérieures de différentes graines. Celles-ci sont observées puis travaillées en modifiant les échelles et en isolant leurs éléments pour aboutir à des formes abstraites, propices à la contemplation et à la rêverie.

Ces objets poétiquement modifiés ouvrent en effet vers un imaginaire de la nature : sacrée aux temps des origines, la nature était ainsi protégée de l’exploitation humaine sans limites dont elle est depuis très longtemps victime. Il s’agit ici de retrouver cet imaginaire en voyant ses éléments s’animer sous notre œil.

Ce sont ainsi des théâtres au format 17 x 19 cm qui se modifient en fonction de la lumière, entre le théâtre d’ombres et l’anamorphose*, que l’on appréhende au gré de notre déambulation.

Agnès Frégé nous invite à observer ses objets poétiquement modifiés, à considérer ces intérieurs de graines comme des portraits, des visages – certains évoquent d’ailleurs des masques africains – contre la tentation de considérer la nature comme un simple décor pour l’activité humaine : ils deviennent des sujets à part entière.
La diversité des formes témoigne de la vitalité des graines c’est un univers caché, discret mais vibrant et les œuvres d’Agnès Frégé révèlent autant d’écrins précieux pour la vie en germe.

Le grossissement d’échelle et les plans successifs donnent à voir tous les possibles contenus dans ces graines, l’infiniment petit pouvant contenir en germe l’infiniment grand, à l’instar de la graine d’un arbre tandis que la délicatesse des œuvres en souligne la fragilité : l’artiste choisit dans cette optique des papiers très légers.
La beauté de ce travail s’inscrit donc dans une démarche résolument engagée : Agnès Frégé a choisi une entrée esthétique et sensible afin de nous ramener à la question essentielle, et malheureusement très actuelle, de la fragilité des écosystèmes.

*images déformées qui se recomposent à partir d’un point de vue préétabli

Karine Houchard
Professeur d’histoire des arts